En ces temps de pénurie de main-d’œuvre, bien des organisations sont tentées de faire des ajustements salariaux afin de maintenir à leur emploi des gens qui sont tentés de quitter pour un autre employeur. Qu’en pensent toutefois les autres membres de l’équipe? Une recherche publiée dans Journal of Applied Psychology par Abdulsalam, Maltarich, Nyberg, Reilly et Martin laisse penser que les ententes d’exception peuvent avoir un impact négatif sur la performance des collègues.
Ils ont obtenu des données recueillies entre 2006 et 2009 au sein d’une grande entreprise publique dans le domaine de la santé aux États-Unis. Ils se sont intéressés à des équipes de soin dont la rémunération était associée à la performance individuelle. Dans ce domaine, comme dans la vente, il n’est pas rare que les entreprises offrent des avances sur la bonification annuelle afin de stabiliser les revenus d’un mois à l’autre. Si la performance ne suit pas, toutefois, l’employé peut en venir à cumuler une dette qui réduit son intérêt à se dépasser. Il est donc tentant pour les patrons de faire des ententes individuelles avec ceux qui ont eu une mauvaise performance pour accroitre leur motivation en effaçant leur dette.
Les auteurs ont cherché à évaluer l’impact de ces ententes exceptionnelles sur la performance de 451 collègues dans 117 petites équipes où le patron a fait une telle entorse aux règles. Or, ils ont trouvé que, dans les mois suivant ce type d’ententes, les revenus des collègues baissaient significativement par rapport à ce qu’ils auraient été sans entente individuelle, de l’ordre de 6,7% après 4 mois. Cet effet était plus prononcé lorsqu’il y avait plus d’une entente particulière au sein de la même équipe. Les auteurs ont même conclu que du point de vue de l’équipe, la baisse de motivation des collègues impactait davantage les revenus que l’augmentation de la performance pour le bénéficiaire de l’entente.
Dans leur conclusion, les auteurs ont expliqué que ces ententes particulières de rémunération envoyaient aux collègues un message selon lequel l’entreprise récompensait la mauvaise performance plutôt que la bonne. On peut penser que c’est la même chose pour les augmentations salariales dans un contexte de rétention : est-ce que le message est qu’il faut menacer de quitter l’entreprise pour être reconnu? Ils incitent donc les organisations à bien communiquer les raisons de ces changements pour susciter une adhésion. Compte tenu du malaise qui entoure souvent les enjeux de rémunération, ce n’est certainement pas facile à faire, mais c’est probablement nécessaire pour bâtir des relations basées sur la confiance.
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