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La paie du grand patron a-t-elle un impact sur l’éthique de ses employés?

Posted on 06/14/2021

On parlait déjà beaucoup, avec raison, des inégalités sociales avant la pandémie. Maintenant qu’on observe que ce sont les employés qui étaient les plus démunis, comme dans les secteurs du tourisme ou de la restauration, qui en ont le plus subi les contrecoups économiques, le sujet devient encore plus important dans la planification de la relance. L’un des symboles qui frappe le plus les esprits, lorsqu’on discute d’inégalités économiques, est la paie des grands patrons des entreprises qui semble stratosphérique pour le commun des mortels. Y a-t-il un lien entre cet écart de rémunération et la propension des employés d’une entreprise à agir de manière non-éthique? Une recherche publiée par Smulowitz et Almandoz dans Organizational Behavior and Human Decision Processes laisse penser que oui.

Le secteur bancaire américain, avec ses entreprises diversifiées et son encadrement strict, a constitué pour eux une bonne manière de tester leur hypothèse. Ils ont obtenu les données de toutes les entreprises bancaires qui avaient un actif supérieur à un milliard de dollars pour les années 2007 à 2013. Ils ont combiné les bases de données sur les salaires des dirigeant avec celle sur les infractions commises par des employés qui ont mené à des sanctions. Ils ont observé que l’écart entre la rémunération du CEO et la moyenne de la rémunération de ses employés était significativement corrélée à la présence d’incidents de malfaisance au cours de ces années. Cet effet était encore plus grand lorsque la rémunération du CEO comportait une forte composante d’options d’achat d’actions.

Cette recherche est corrélationnelle, et ne permet bien entendu pas de conclure que la paie du patron a un impact sur les écarts éthiques des employés. L’hypothèse que favorisent les auteurs est que la présence d’un grand écart de rémunération reflète la culture de l’organisation. Par exemple, les hauts écarts salariaux pourraient se produire davantage dans les entreprises qui valorisent moins la prudence, ou encore les employés qui observent cet écart pourraient davantage être portés à profiter des opportunités qui se présentent à eux pour tirer profit de leur rôle.

Cette corrélation est toutefois assez forte pour que les chercheurs encouragent les conseils d’administration à considérer les messages qui sont envoyés par la politique de rémunération des dirigeants. On justifie souvent ces écarts de rémunération par l’importance d’aligner les intérêts des dirigeants à ceux des actionnaires. On ne doit pas non plus oublier que cet écart peut se traduire par une culture de gouvernance qui met justement à risque l’intérêt de ces mêmes actionnaires.

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