Depuis huit mois maintenant la pandémie nous oblige tous à faire des sacrifices. Elle a aussi mis en évidence l’importance des travailleurs non-médecins du système de santé. Les difficultés rencontrées par les infirmières et préposés aux bénéficiaires étaient déjà connues bien avant la crise. À partir de mars, toutefois, face au manque de ressources, les autorités et les médias ont commencé à saluer leur dévouement en les appelant des héros et des anges gardiens. Qu’en pensent les principaux intéressés? Le sujet semble assez important pour que le Journal of Applied Psychology publie une recherche qualitative sur le sujet, une rareté dans notre domaine qui préfère nettement les études quantitatives. L’article a été signé par Hennekem, Ladge et Shymko.
L’étude a été menée auprès de 164 travailleurs non-médecins dans des hôpitaux français. La moitié des participants étaient des infirmiers et le tiers était des préposés aux bénéficiaires. Compte tenu du temps limité dont ils disposaient, ils ont répondu à un court sondage de quatre questions ouvertes sur les changements à la perception de leur travail associés à l’épidémie de COVID-19.
Les réponses obtenues tournaient autour de trois thèmes. Le premier est que ces employés ont l’impression qu’on n’accorde pas assez d’importance à leurs tâches, à leurs compétences ou à leur statut. Plusieurs de ces commentaires étaient associés à une comparaison aux médecins. Le deuxième thème est qu’ils apprécient la reconnaissance accrue de leur rôle associée à l’épidémie, quoi que tous pensent que celle-ci est temporaire et prendra fin lorsque la situation reviendra à la normale. Le dernier thème concerne ce nouveau statut de héros, et si plusieurs travailleurs de la santé l’apprécient, la majorité le rejette ultimement parce qu’ils considèrent qu’ils ne font que leur travail, et que celui-ci n’a pas changé. Ils ne se considèrent donc pas plus héroïques qu’avant. Plusieurs considéraient même ce nouveau statut de héros comme une tentative opportuniste de les manipuler.
Dans leur conclusion, les auteurs proposent de mettre en place des programmes de communication et de reconnaissance durable pour ces travailleurs de la santé afin d’améliorer leur importance et leur visibilité dans l’œil du public. Personnellement je crois qu’on devrait aller encore plus loin. Il semble y avoir, dans le réseau de la santé, des défis structurels qui nuisent à la capacité des travailleurs non-médecins de s’y épanouir. Je crois qu’une remise en question fondamentale de la gestion de ce système aurait bien plus d’impact sur la motivation de nos anges gardiens que des primes COVID.
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