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Enfreindre les règles pour le bien commun

Publié le 26 avril 2012

En ces temps socialement mouvementés où se succèdent les manifestations violentes à Montréal, on peut se demander comment (une minorité) des gens qui partent du principe rassembleur d’accessibilité aux études en viennent à se justifier de commettre des actes antisociaux comme le vandalisme. C’est en tout cas la question qui s’est imposée à moi lorsque j’ai lu l’excellent article de Dahling, Chau, Mayer et Gregory publié plus tôt cette année dans le Journal of Organizational Behavior

Ils étudient le phénomène de l’infraction pro-sociale aux règles, c’est-à-dire les situations où des employés enfreignent des règlements de leur entreprise pour le bien commun. Cela peut aller de dénoncer publiquement une situation non-éthique jusqu’à donner un avantage non-permis à un client qui se plaint. Ils ont développé un questionnaire qu’ils ont administré dans trois études à des employés afin d’explorer comment ce phénomène coïncidait avec d’autres variables. Le résultat qu’ils font le plus ressortir est que l’infraction pro-sociale aux règles est corrélée négativement aux évaluations de performance. 

On ne sera pas surpris que les patrons évaluent négativement ce genre de comportements, puisque c’est après tout leur travail de faire respecter les règles. On le sera plus de constater que les collègues évaluent eux aussi plus négativement la performance de ceux qui enfreignent les règles pour de bonnes raisons. J’ai particulièrement savouré la discussion, qui propose une série d’hypothèses basées sur la psychologie cognitive pour l’expliquer : 

  • Ceux qui brisent les règles peuvent percevoir que c’est une décision qui s’explique par la situation, tandis que ceux qui observent le bris de règle peuvent inférer qu’il s’agit d’une disposition de la personne qui risque de se répéter dans d’autres contextes. On peut donc moins lui faire confiance;
  • La tendance à enfreindre les règles pourrait s’amplifier dans le temps et les gens qui se justifient ce genre de comportements perdent de plus en plus leur « compas moral ». Qui plus est, les gens peuvent penser qu’accepter l’infraction aux règles peut avoir comme impact d’encourager ce genre de comportements dans l’avenir;
  • La motivation pro-sociale est souvent attribuée après les faits par la personne qui a enfreint la règle. Il est possible que dans bien des cas la motivation première soit l’intérêt personnel mais que la personne qui enfreint la règle perçoive mal son conflit d’intérêt personnel.
  • L’évaluation des gens du comportement dépend probablement de la culture et du contexte organisationnel. Les valeurs de l’organisation influencent la manière d’interpréter l’infraction aux règles.

Cela n’amène sûrement pas de réponse au conflit entre les étudiants et le gouvernement, mais peut-être quelques explications des comportements des acteurs et de ceux qui les observent. Une chose est certaine, toutefois : enfreindre les règles, même pour de bonnes causes, ne semble généralement pas une bonne manière de s’attirer la sympathie des gens, à tout le moins dans les entreprises.

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