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La motivation pour faire des licenciements

Publié le 9 septembre 2019

Nous vivons depuis une dizaine d’années une période d’expansion économique impressionnante qui a entraîné une pénurie de main-d’œuvre dans presque toutes les régions du Québec. Alors que les entreprises sont profitables et ont de la difficulté à embaucher, on peut être surpris d’en voir certaines, dont les affaires vont pourtant bien, décider de mettre à pied une partie de leur force de travail. Bentley, Fulmer et Kehoe ont publié dans Personnel Psychology un article qui laisse penser que l’intérêt personnel des dirigeants d’entreprises publiques joue probablement un rôle dans leur raisonnement.

Ils ont analysé les données des firmes appartenant à trois secteurs particulièrement larges du S&P500 entre 1992 et 2014 : les produits de consommation, l’industrie financière et les technologies de l’information. Ils ont cherché dans les journaux les annonces de mises à pied qui pouvaient être faites par chaque entreprise dans cette période, soit 879 au total. Ils ont trouvé que la paie du CEO, lorsqu’on la compare à ses pairs de l’industrie, est négativement liée à la probabilité qu’une entreprise annonce une mise à pied, et ce même lorsqu’on contrôle pour la performance de l’entreprise. Cette relation est encore plus forte pour les CEOs qui ont un salaire inférieur à la moyenne que pour ceux qui sont mieux payés. Autrement dit, les chefs d’entreprise qui sont moins payés que leurs pairs sont davantage portés à annoncer des licenciements.

Ils ont aussi trouvé que les mises à pied avaient bel et bien un impact sur la rémunération subséquente du CEO. Les firmes dont la performance s’est améliorée après une vague de mises à pied ont davantage augmenté la paie du chef de l’entreprise que les firmes qui n’avaient pas connu cet électrochoc. L’effet était toutefois inverse pour ceux dont la firme est devenue moins performante : les CEO qui avaient fait des mises à pied mais ont l’entreprise avait souffert voyaient une diminution de leur rémunération supérieure à ceux qui n’avaient rien fait.

Ces résultats devraient intéresser les spécialistes en rémunération. Ils confirment que la structure de rémunération impacte directement les comportements du chef de l’entreprise, parfois dans une perspective de court-terme davantage que de création de valeur. Si les licenciements visent à adapter l’entreprise à un changement dans la demande ou dans la nature des activités de la firme, ils sont malheureusement justifiés. S’ils visent surtout à augmenter la paie du grand patron, le conseil d’administration devrait faire son travail.

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